Apologie d’Aristide d’Athènes


Apologie d’Aristide d’Athènes


 

Aristide d’Athènes (mort v 134, v 150 en martyr sous Antonin) est un philosophe athénien converti au christianisme. Il est l’auteur de la plus ancienne apologie conservée, datant des années 124-125 et adressée à l’empereur Hadrien. L’apologie de Quadratus date de la même époque mais il ne reste qu’un court fragment.


 L’Apologie est redécouverte au XIXe siècle

Eusèbe de Césarée écrit à son sujet dans son Histoire ecclésiastique – « Aristide, qui était un fidèle de notre religion, a laissé comme Quadratus, en faveur de la foi, une Apologie, qu'il avait adressée à Hadrien » (IV, 3, 3) – et dans sa Chronique : « Quadratus, disciple des apôtres, et Aristide, notre philosophe, remirent à Hadrien des ouvrages composés en faveur de la religion chrétienne » (Ad ann. 125). S. Jérôme s'en fait simplement l'écho dans son De viris inlustribus : « Aristide, un philosophe très éloquent et disciple du Christ sous son ancien habit, remit à Hadrien, en même temps que Quadratus, un volume contenant une justification de notre doctrine: c'est l'Apologie en faveur de Chrétiens ».

Jusqu’au XIXème siècle, l’Apologie d’Aristide était considérée comme perdue.
Eusèbe de Césarée la mentionne dans son « Histoire ecclésiastique » mais le texte n’a été redécouvert qu’en 1878 dans un fragment traduit en arménien par les Pères Mekhitaristes, et une dizaine d’années plus tard, en 1889, une version complète en syriaque est mise à jour dans la bibliothèque du couvent de Sainte-Catherine, au mont Sinaï. Puis, à Vienne, l’apologie figure en grec dans le roman de Barlaam et Josaphat datant du VIe siècle. Enfin, des fragments succincts de l’original grec sont découverts sur un papyrus d’Oxyrhynque.

Une version complète en syriaque de l'Apologie d'Aristide d'Athènes est mise à jour dans la bibliothèque du couvent de Sainte-Catherine, au mont Sinaï. Aristide est l’auteur de la plus ancienne apologie datant des années 124-125 et adressée à Hadrien.

Vue d’ensemble du monastère Sainte Catherine - wikipédia

 



 Contenu de l’Apologie d’Aristide

L’auteur s’intéresse successivement à la religion des 
chaldéens (III-VII), des Grecs (VIII-XI), des Égyptiens (XII et XIII) et des juifs (XIV). La fin de l’Apologie est consacrée aux chrétiens (XV-XVII), elle explique leur mode de vie et réfute les calomnies qui circulent à leur sujet.
Aristide d’Athènes s’exprime avec beaucoup de logique et emploie des arguments irréfutables.

II – « 
Il est notoire pour tous, ô Roi, qu’il y a trois races d’hommes dans ce monde : les adorateurs de ceux que vous appelez Dieu, les Juifs et les Chrétiens. Ceux qui adorent plusieurs dieux se divisent encore en trois races les Chaldéens, les Grecs et les Égyptiens. »



 La création témoigne de l’existence d’un Créateur très puissant  

Aristide commence par expliquer que son observation du monde merveilleusement organisé l’a amené à connaître le Dieu Tout-Puissant qui a créé toutes ces choses.

I.
 « O Roi, je suis entré dans le monde par la providence de Dieu, et ayant contemplé le ciel, la terre et la mer, le soleil et la Lune et le reste, je fus étonné de l’arrangement de ces choses. Voyant le monde se mouvoir nécessairement, je compris que celui qui le fait mouvoir et qui le maintient est Dieu. Car ce qui fait mouvoir est plus puissant que ce qui est mû, et ce qui maintient est plus puissant que ce qui est maintenu. Je dis donc que celui qui a organisé et qui maintient toutes choses est le Dieu sans commencement ni fin, immortel, sans aucun besoin, élevé au-dessus de toutes les passions et imperfections telles que la colère, l’oubli, l’ignorance, etc. Toutes choses ont été créées par lui. Il n’a besoin ni de sacrifice, ni de libation, ni d’aucune des choses qui existent. Mais tous ont besoin de lui. »

Dans son Apologie adressée à l'empereur Hadrien, Aristide d'Athènes commence par expliquer que son observation du monde merveilleusement organisé l’a amené à connaître le Dieu Tout-Puissant qui a créé toutes ces choses.

4ever - terre,-mains-199997

 



 Le polythéisme des chaldéens

III- 
« Ne connaissant pas Dieu, les Chaldéens errèrent dans leur culte des éléments et se mirent à adorer la créature au lieu de celui qui les a créés. Ils se sont fait des représentations et ils ont rendu un culte à des statues du ciel, de la terre, de la mer, du soleil et de la lune et des autres éléments ou astres, et les ayant enfermées dans des temples, ils les adorent en les appelant dieux et les gardent avec soin, de peur qu’elles ne soient volées par des brigands. Et ils n’ont pas compris que ce qui garde est plus grand que ce qui est gardé, et que celui qui fait est plus grand que ce qui est fait. Si donc leurs dieux sont incapables de se sauver eux-mêmes, comment sauveraient-ils les autres? Les Chaldéens ont donc grandement erré en adorant des statues mortes et inutiles. »

Il explique ensuite que ceux qui pensent que le ciel, la terre, l’eau, le feu, le souffle des vents, le soleil ou l’homme est Dieu se trompent. Toutes ces choses ne sont pas Dieu, elles sont 
l’œuvre de Dieu. Contrairement aux éléments, Dieu est incorruptible, immuable, invisible, il voit tout et, selon sa volonté, change et transforme tout.



 Le polythéisme grec (VIII à XI)

Aristide explique que les très nombreux défauts de leurs dieux sont un prétexte aux mauvaises actions de leurs adorateurs.
VIII.
 « Arrivons aux Grecs, afin de voir s’ils ont bien pensé au sujet de Dieu. Les Grecs donc, se disant sages, ont été plus fous que les Chaldéens en prétendant qu’il y a eu beaucoup de dieux, les uns mâles, les autres femelles, livrés à toutes les passions et capables de toutes les iniquités. Ils les ont montrés adultères, meurtriers, irascibles, envieux, colères, parricides, fratricides, voleurs, avides, boiteux, estropiés, sorciers, insensés. Les uns meurent, d’autres sont foudroyés, d’autres asservis aux hommes, d’autres fugitifs, se lamentant, ou se métamorphosant en animaux pour accomplir des choses honteuses et mauvaises. Les Grecs ont donc prétendu des choses ridicules, folles et impies, ô Roi, saluant des dieux qui n’en sont pas, suivant leurs mauvais désirs, afin que, les ayant comme défenseurs de leurs vices, ils puissent commettre des adultères, dérober, tuer et faire les choses les plus odieuses. Si leurs dieux font ces choses, pourquoi eux aussi ne les feraient-ils pas? Par suite de cet égarement dans les mœurs, les hommes ont eu de nombreuses guerres, et il y a eu des meurtres et de dures captivités. »

Dans son Apologie adressée à l'empereur Hadrien, Aristide d'Athènes écrit: « Les hommes ayant donc pris exemple sur leurs dieux ont commis toute injustice, débauche et impiété, souillant la terre et l’air de leurs horribles actions. »

Les principales divinités grecques (illustration de Dim. D et Frederico Santagati)



Aristide va ensuite citer et décrire de nombreux dieux grecs avec leurs défauts, leurs actions, leurs vices : Cronos, Rhéa, Zeus, Danaé, Léda, Semelé, Dionusos, Zethos, Amphion, Héraclès, Apollon, Artémis, Persée, Castor, Hélène, Pollux, Minos, Rhadamante, Sarpédon, les muses, Ganymède, Hephaestus, Hermès, Asclepius, Jupiter, Arès, Aphrodite, Eros, Héraclès, Apollon, Artémis, Hadès, Adonis, Perséphone…
« Comment est-il possible qu’un Dieu soit adultère, pédéraste ou parricide?
Si Asclepius, quoique Dieu (de la médecine), a été foudroyé et n’a pu se secourir lui-même, comment viendrait-il en aide aux autres?
Comment un Dieu peut-il convoiter, être guerrier, lié ou adultère?
Comment cette chasseresse (Artémis), qui court avec des chiens, serait-elle Dieu?
Comment (Adonis) un adultère, chasseur, mort violemment, se soucierait-il des hommes?

« Les hommes ayant donc pris exemple sur leurs dieux ont commis toute injustice, débauche et impiété, souillant la terre et l’air de leurs horribles actions. »




 Le polythéisme égyptien (XII)

Aristide explique que les Égyptiens sont allés jusqu’à adorer des animaux privés de raison.
« Dès l’antiquité ils adorent Isis, ayant comme frère et mari Osiris, qui fut tué par son propre frère Typhon. »
« Quelques-uns d’entre eux ont adoré le mouton, quelques-uns le bouc, d’autres le veau et le porc, d’autres le corbeau, l’épervier, le vautour et l’aigle, d’autres le crocodile; quelques-uns le chat et le chien, le loup et le singe, le serpent, l’aspic, d’autres l’oignon, l’ail, les épines et les autres créatures. Et les malheureux ne comprennent pas que toutes ces choses n’ont aucune puissance. »


Dans son Apologie adressée à l'empereur Hadrien, Aristide d'Athènes explique que les Égyptiens sont allés jusqu’à adorer des animaux privés de raison. « Dès l’antiquité ils adorent Isis, ayant comme frère et mari Osiris, qui fut tué par son propre frère."

 

 Le polythéisme de façon générale (XIII)

XIII.
 « Les Égyptiens, les Chaldéens et les Grecs ont donc grandement erré en adorant ces dieux, en faisant leurs statues et en divinisant des idoles sourdes et privées de sens. Et je m’étonne que, voyant leurs dieux sciés et taillés par des ouvriers, se briser et tomber en ruine par le temps, se décomposer et se fondre, ils n’aient pas compris que ce ne sont pas des dieux. Puisqu’ils ne peuvent rien pour leur propre salut, comment auraient-ils souci des hommes? »
Il déclare que les dieux transgressent les lois : « Si donc les lois sont justes, leurs dieux sont tout à fait injustes en les transgressant, en commettant des meurtres, des sortilèges, des adultères, des vols, des crimes contre nature. Si au contraire ils ont ainsi bien agi, alors les lois sont injustes et en opposition avec les dieux. »

Il ajoute en toute logique :
« On ne peut appeler dieux ceux qu’on voit, mais qui ne voient pas. Mais il faut adorer le Dieu invisible qui voit toutes choses et qui a tout créé. » - XIV



 La religion des Juifs (XIV)

Les Juifs ont l’immense privilège de voir de grandes manifestations de la puissance de Dieu, de nombreux signes et beaucoup de miracles. Mais, dans leur ingratitude, ils ont préféré adorer les idoles des païens et tuer les prophètes qui leur étaient envoyés, allant jusqu’à insulter et mettre à mort le Fils de Dieu.

FBI

 

« Arrivons donc, ô Roi, aux Juifs, afin de voir ce qu’ils pensent, eux aussi, de Dieu. Descendant d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, ils vinrent habiter l’Egypte. Dieu les en fit sortir de sa main forte et de son bras tout puissant, par le moyen de Moïse, leur législateur, et il leur manifesta sa puissance par beaucoup de signes et de miracles. Mais, dans leur injustice et dans leur ingratitude, ils adorèrent souvent les idoles des païens et ils tuèrent les prophètes et les justes qui leur étaient envoyés.
Ensuite, lorsqu’il plut au fils de Dieu de venir sur la terre, après l’avoir insulté, ils le livrèrent au gouverneur des Romains et le condamnèrent à être crucifié, sans tenir compte de ses bienfaits et des innombrables miracles qu’il avait accomplis parmi eux. Ils ont péri par leur propre iniquité. Ils adorent bien maintenant le Dieu unique et tout-puissant, mais sans intelligence, car ils renient le Christ, fils de Dieu, et sont presque semblables aux païens, et quoiqu’ils paraissent se rapprocher de la vérité, ils s’en éloignent. Cela, au sujet des Juifs. »




 La religion des chrétiens (XV)

Aristide explique que les chrétiens descendent spirituellement de Jésus-Christ qu’ils considèrent comme le Fils du Dieu Très-Haut descendu du ciel pour le salut des hommes. Il est né d’une vierge, s’est incarné sans sperme et il a accompli sa mission. Il est mort volontairement sur la croix et il a ressuscité 3 jours plus tard. Il est ensuite remonté dans les cieux.
Aristide invite Hadrien à vérifier tous ces dires dans les Évangiles : 
« Tu peux, ô Roi, si tu le désires, apprendre à connaître la renommée de sa vie dans ce qu’ils appellent le saint Évangile. »
Les disciples du Christ ont annoncé le message du Christ dans toutes les parties de la terre, «
 prêchant le dogme de la vérité ». Ceux qui se soumettent à cette prédication prennent le nom de Chrétiens.
Il ajoute : «
 Ils ont trouvé la vérité et dépassé tous les peuples de la terre. »


Aristide décrit ensuite leurs beaux principes de moralité : «
 Ils ne commettent pas d’adultères ni de fornications; ils ne portent pas de faux témoignage. Ils ne convoitent pas ce qui est à autrui; ils honorent père et mère; ils aiment leur prochain et jugent avec équité. Ils ne font pas à autrui ce qu’ils ne veulent pas qu’on leur fasse. Ils exhortent ceux qui les traitent injustement et s’en font des amis. Ils s’efforcent de faire du bien à leurs ennemis. Ils sont doux, modestes, s’abstiennent de toute union illégitime et de toute impureté. Ils ne méprisent pas les veuves et ne font pas de tort à l’orphelin. Celui qui est riche donne de bon cœur au pauvre. Quand ils voient un étranger, ils le conduisent dans leur demeure et se réjouissent de lui comme d’un véritable frère. »

FBI- Paul et Silas à leur sortie de prison rendent témoignage, la famille du gardien de prison se fait baptiser

 


A nouveau Aristide invite l’empereur à vérifier dans les écrits des chrétiens :
XVI. 
«C’est, en effet, le chemin de la vérité qui conduit ceux qui le suivent au royaume éternel promis par Christ dans la vie à venir. Et afin que tu saches, ô Roi, que je ne dis pas ces choses par moi-même, cherche dans les écrits des Chrétiens, et tu verras que je ne dis rien en dehors de la vérité. »



 Commentaires de l’éditeur Pierre Gosselin  

Selon la chronique d’Eusèbe et de quelques écrits de Jérôme, Aristide le philosophe (ou Aristide d’Athènes) adressa à l’empereur Hadrien (76-138 ap. J.-C.) une apologie où il souligne l’originalité de la religion du Christ. L’intervention d’Aristide réussira à obtenir une accalmie des persécutions, mais il mourra lui-même martyr sous l’empereur Antonin, vers l’année 150.

Il faut souligner que la logique de l’argumentaire d’Aristide contre l’adoration des idoles païennes (section III) reste pertinente aujourd’hui et s’applique aux pratiques catholiques (touchant les statues et reliques) et chez les orthodoxes (touchant les cultes d’icônes). Ces deux églises se défendent en alléguant que ses adeptes n’adorent pas d’idoles, mais plutôt vénèrent des statues et/ou images. Ainsi, pour l’essentiel c’est grâce à des jeux de mots plus ou moins hypocrites qu’ils évitent les critiques des prophètes et ceux d’Aristide. Le Dieu de la Bible, en tout cas, n’est pas handicapé et n’a aucun besoin de béquilles (humaines ou matérielles) pour secourir ceux qui le prient. Sur cette question, les catholiques et orthodoxes auraient mieux à faire à écouter le sage conseil de Marie, Faites ce qu’il vous dira (Jean 2: 5). - Postface de l’éditeur Paul Gosselin.

Apologie d’Aristide telle qu’elle est conservée dans la légende de Barlaam et Joasaph
Lien - Apologie - Barlaam

Apologie d’Aristide avec commentaires de l’éditeur Pierre Gosselin
Lien - Apologie - Pierre Gosselin



 Conclusion

Aristide d’Athènes s’exprime avec beaucoup d’intelligence, en employant une argumentation cohérente et rationnelle afin de démontrer l’inutilité et l’inefficacité des dieux païens et l’ingratitude des Juifs. Il met en valeur les qualités morales des chrétiens qui « ont trouvé la vérité et dépassé tous les peuples de la terre. »
Il invite l’empereur à vérifier toutes ces informations dans les écrits chrétiens et dans les Évangiles.
Loin d’être dépassée, l’argumentation d’Aristide est toujours d’actualité car de nombreuses religions adorent encore des idoles, y compris de nombres chrétiens, ce qui aurait été impensable au temps d’Aristide (première moitié du IIe siècle).

Olivier

 


Écrire commentaire

Commentaires: 0