Les fidèles
sont souvent appelés « Ariens »
ou « Sociniens »
mais ils se nommaient eux-mêmes simplement les « Frères »
ou les « Chrétiens »,
puis après leur expulsion de Pologne, les « Unitariens ».
● La tolérance religieuse
en Pologne et en Lituanie
Trois raisons expliquent la tolérance dont les anti-trinitaires ont pu bénéficier en Pologne et en Lituanie.
1. L'autonomie, même en matière de religions, reconnue aux nobles, c'est-à-dire aux grands propriétaires.
2. La tolérance manifestée par les rois Sigismond Ier et
Sigismond II Auguste.
3. L'accueil que la reine Bona
Sforza, épouse de Sigismond
Ier, accorda volontiers aux humanistes italiens (par exemple Lelio Sozzini, Giorgio Biandrata), puis aux Italiens condamnés par l'Inquisition ou par Jean Calvin (par exemple Alciati et Gentile).
Ainsi vivaient côte à côte, en Pologne, des catholiques, des luthériens, des anabaptistes et des calvinistes, et même des juifs.
● Gonesius, l'un des
premiers fondateurs
Piotr de
Goniądz, en
latin Petrus
Gonesius (1525-1573) est un
écrivain politique et religieux polonais, un des chefs spirituels des Frères polonais.
Il est envoyé en Italie suivre les cours de l'Université de Padoue. Il devient en quatre ans un expert en grec, en latin et en hébreu et obtient un doctorat en
philosophie. Mateo
Gribaldi, un ami
de Michel
Servet, est un professeur de
Piotr de Goniądz et enseigne secrètement ses idées. Il le persuade de la justesse des idées de Servet. Piotr de Goniądz se convertit au protestantisme et retourne en Pologne en 1555. Sur la route
de retour en Pologne, Piotr de Goniądz passe par Genève où Michel Servet a été brûlé vif en 1553, en Sapaudie et à Vienne où Servet à vécu plusieurs années. Il y rencontre des défenseurs des
enseignements de Michel Servet et lit « La Restitution du Christianisme. Christianismi Restitutio » et accepte ses idées sur le
baptême des adultes.
Il se rend ensuite en Moravie (aujourd’hui
la République Tchèque) chez les anabaptistes. Il devient ensuite l’un des pionniers de l'anabaptisme en Pologne. Il est aussi fortement influencé par les opinions des Frères bohémiens
Hussites , qui soutiennent
la modestie, la vie dans la pauvreté et le mépris pour la vie mondaine. Il adopte leur pacifisme
chrétien et
estime que la fraternité et
l'égalité doivent régner
parmi le peuple chrétien.
En 1558, il est excommunié au
synode de Pińczów en raison de ses idées
antitrinitaires.
Il trouve un protecteur et mécène en la personne de Jan
Kiszka (1547–1592), un
des plus puissants magnats du Grand-duché de Lituanie.
Invité à Węgrów, Piotr devient le chef de la communauté protestante locale et l'un des chefs les plus
remarquables de la communauté antitrinitariste de Pologne.
Piotr de Goniądz considère que seule la Bible est la
Parole de Dieu et le fondement de la foi. Il
est opposé au dogme
de la Trinité, il affirme que
le Jésus
préhumain, comme Logos, est le
représentant principal de Dieu. Il défend le baptême des
adultes en opposition avec
le baptême des enfants. Il défend l'égalitarisme, le
pacifisme et le mépris pour
la vie mondaine. Il s'oppose à la peine de mort, en particulier en cas d’intolérance d’opinion. Piotr s'oppose aussi fermement au servage, ce qui conduit à des conflits constants même avec son
protecteur.
Il mourra en 1573 de la peste.
● Giorgio
Biandrata
Giorgio
Biandrata est un médecin
italien spécialisé dans les troubles fonctionnels et nerveux chez les femmes.
Le 18 mai 1558, lorsque Calvin demande à tous les Italiens exilés à Genève de signer un acte de foi trinitaire. Le document est contesté par Giovanni Valentino
Gentile, Alciati della Motta et Biandrata, qui refusent de le
signer.
Biandrata considère plus prudent de s’exiler en Pologne,
où il rencontre l'anti-trinitaire Lelio
Socin. L'action des
unitariens locaux comme Gonesius et Grzegorz Pawel est renforcée par son arrivée et il les aide à former une communauté, composée surtout de ses compatriotes exilés, à Pinczow, près de
Cracovie.
Alciati et Gentile viennent se joindre au mouvement, ayant eux aussi fui Genève.
Calvin se fâche en apprenant le succès de l'hérésie qu'il a condamnée. Il écrit des lettres pour montrer le danger que représentaient de tels hommes, mais en vain. Au contraire, le prince Nicolas
Radziwiłł de Lituanie, s'offusquant de cette ingérence calvinienne, accorde en 1562 son appui à Gonesius et à Biandrata et devient lui-même anti-trinitaire.
Le courant anti-trinitaire polonais (dénommé Ecclesia
Minor, en opposition à
l'Ecclesia Major calviniste) retrouve par conséquent en Biandrata un vrai leader.
Mais en 1562, Biandrata décide de retourner en Transylvanie où il devient le médecin de cour du prince Jean II Sigismond Zapolya. Là il fait connaissance de l'évêque de l'Eglise réformée de
Transylvanie Ferenc
David à qui il donne un
exemplaire de la célèbre Christianismi Restitutio (la Restauration du christianisme) de Michel Servet, le convertissant à l'anti-trinitarisme (ou unitarisme).
1564 voit l'entrée en Pologne des jésuites. Ceux-ci n'obtiennent pas grand-chose, sinon l'expulsion de quelques étrangers, parmi lesquels Gentile.
Ce malheureux, déjà si malmené à Genève, a la malchance de tomber entre les mains de la police bernoise. Il est décapité à Berne en
1566.
Avec l'espoir de résoudre la crise qui déchire l'Église réformée de Pologne, un synode se réunit à Bełżyce en 1565. Les anti-trinitaires sont devenus d'autant plus hérétiques aux yeux des
calvinistes orthodoxes qu'ils ont adopté diverses options anabaptistes telles que le refus du baptême des enfants, le non recours aux armes, la pauvreté volontaire, etc.
Le synode réalise que le schisme est inévitable et accepte la création d'une Église réformée « mineure », qui se donne un nom significatif : « Église des Frères de
Pologne et de Lituanie qui ont rejeté la Trinité ». Dans la pratique, on
l'appela la « Petite Église
polonaise » ou encore les
« Frères
polonais » (Bracia
Polscy).
Comptant sur Gonesius, la
jeune Église anti-trinitaire s'organise. Ses membres sont en majorité des nobles, aussi pieux qu'instruits, décidés à vivre l'Évangile.
Certains vendent leurs terres et affranchissent leurs serfs ; d'autres mettent leurs biens au service de la communauté. L'Église combine avec bonheur des pratiques héritées de l'anabaptisme à la
doctrine christologique reçue de Michel Servet. En 1569 un centre, Rakow,
devient, grâce à son imprimerie et à son collège réputé, un foyer très important de rayonnement.
S'il est exact que l'Église des Frères s'épanouit sous le regard bienveillant de Sigismond II
Auguste, il n'empêche que des
crises atteignent la communauté. Quelques nobles s'opposent au pacifisme absolu hérité de l'anabaptisme ; des pasteurs contestent certains points de la doctrine (préexistence de Jésus, adoration
du Christ). C'est surtout en Lituanie que surgissent quelques communautés dissidentes.
La Petite Église polonaise a besoin d'un théologien ayant l'autorité d'un Luther ou d'un Calvin. Elle le reçoit en la personne de Fausto
Sozzini.
● Fausto Sozzini ou Fausto
Socin
Fausto Sozzini ou Fausto
Socin, un théologien italien.
(Son nom est attaché au socinianisme).
Il étudie la Bible, l'hébreu, le grec et l'arabe sous la responsabilité de son oncle Lelio
Sozzini. Il adopte une attitude
critique à l'égard des dogmes chrétiens enseignés par l'Église catholique, notamment en ce qui concerne le dogme de la Trinité.
Mais Fausto Sozzini rejette aussi la préexistence de Jésus-Christ, la Rédemption par la mort du Christ sur la Croix et l'éternité du Christ. Il doit s’exiler et s'installe en Pologne en juin 1579
où il rejoint l'Église
protestante antitrinitaire des frères polonais, fondée en 1562.
Le 29 avril 1598, des étudiants catholiques de Cracovie attaquent sa maison, détruisent ses manuscrits et ses livres. Ils ont aussi l'intention de le jeter dans la Vistule mais il a été
prévenu par à temps des professeurs de l'université. Il quitte Cracovie le 30 avril et réside alors dans différents lieux.
● Iwan
Tyszkiewicz
Iwan
Tyszkiewicz est un disciple
des doctrines antitrinitaire sociniennes. Après avoir abandonné le catholicisme romain pour l'Église protestante antitrinitaire des frères polonais, il prêche avec zèle sa nouvelle foi ce qui lui
vaut d’être arrêté et jugé pour blasphème. Refusant de se rétracter, il est condamné à mort par un tribunal polono-lituanien.
L'exécution a eu lieu en 1611 sur la place du grand marché de Varsovie. Pour le punir d’avoir blasphémé contre Dieu, le bourreau coupe la langue de Tyszkiewicz. L'ex-catholique est
ensuite brûlé
vif pour
hérésie.
En ce début du XVIIe siècle, les écrits de Socin et le catéchisme de Rakow — souvent apportés par des étudiants ayant fréquenté le collège de Rakow - se répandent en Allemagne, en France même
(grâce à Wissowaty, petit-fils de Socin, qui vit quelque temps à Paris), en Angleterre et surtout en Hollande, où l'on se met à éditer l'ensemble des livres sociniens vers 1660.
Par contre, en Pologne, la situation des Frères devient de plus en plus difficile. Le foyer principal des Frères, à Rakow, est détruit en 1638 et l'église remise aux catholiques. Vingt ans plus
tard, en 1658, une Diète (assemblée politique) proscrit l'Église des Frères, donnant aux membres deux ans pour embrasser le catholicisme ou pour quitter le pays.
L'année 1660 voit l'exil volontaire
de groupes fidèles, partant à la recherche d'un lieu d'accueil. Ceux des Frères qui vivaient dans le Sud se mettent en route vers la Transylvanie. Arrivés à Kolosvar, ils reçoivent un accueil
fraternel des frères unitariens.
D'autres groupes cherchent asile en Allemagne, mais l'asile reçu est en général temporaire et précaire, surtout à cause de l'hostilité du clergé luthérien.
C'est en Hollande que l'accueil est le plus fraternel, grâce aux remonstrants, partisans de Jacobus Arminius et donc de l'arianisme.
La dernière communauté de frères polonais s'éteint en 1803.
Olivier
Pour laisser un commentaire, c'est ici !